Acta Universitatis Danubius. Communicatio, Vol 11, No 1 (2017)

Urban Image: Urban Segregation.

Ghetto and Ghettoisation


Luminița Iosif1



Abstract: The central focus in the present research paper is constituted by urban segregation, ghetto and ghettoisation as a source of urban image. The theorization and analysis of these concepts in France and United States has been the basis of the sociological research. In the present paper, the introduced analysis constitutes just a working version of an empirical study for urban analysis which I aim to develop in the future. For its main tools, it is to employ both certain elements from the socio-cultural perspectives of city study (Wacquant’s [2005], cultural model or Bourdieu’s [1993] perspectives.

Keywords: urban space; borders; ghetto; ghettoisation; segregation


1. Introduction

Même si c’est un des termes les plus utilisés dans la littérature sociologique, définir le processus de ségrégation reste une étape essentielle quand on étudie l’image de l’urbain. Une définition de ce terme s’impose vu qu’il s’agit d’un terme complexe et ambigu, assez souvent utilisé dans la littérature de spécialité.

En sociologie, la ségrégation renvoie à «une division territoriale, sous-entendu sociale, de différentes catégories sociales fondée sur des caractéristiques raciales, ethniques, culturelles ou socioprofessionnelles différentes. Celle-ci présente toujours un aspecte physique – territorial» (Pásztor, Péter, 2007, p. 530).

De cette façon, il est fort possible que les personnes vivant à proximité physique manifestent des caractéristiques similaires, voire comportementales; cette ressemblance relative se traduit en termes des valeurs, attitudes, opinions et comportements respectivement modes et styles de vie spécifiques à un espace, voir l’éducation en rapport avec le concept de frontière sociale (Iosif, 2013, pp. 73-75).

D’autre part, l’étude des quartiers constitués de logements sociaux et situés à la périphérie, oblige à l’analyse du concept de ghetto et de sa signification, compte tenu des débats entre la France et les États-Unis. Ce terme, employé à partir des années 1980, se répand vite et il commence à trouver place tantôt dans les discours politiques, tantôt dans les médias pout se référer aux zones urbaines de populations défavorisées confrontées aux phénomènes tels que: la pauvreté, la délinquance et l’insécurité.

P. Bourdieu affirmait que parler, à présent, des «périphéries problématiques» ou «des ghettos» c’est d’évoquer des fantasmes encouragés par l’expérience émotionnelle à travers des mots ou images, plus ou moins contrôlées comme celles livrées par les médias et pas de «réalités» inconnues pour ceux qui les traitent avec légèreté [...] (Bourdieu, 1993, p. 159).



2. Urban Segregation

La ségrégation sociale étant généralement un phénomène essentiellement urbain, sa recherche et théorisation sont issues du processus d’urbanisation, surtout des problèmes liés à l’urbanisation (par exemple: des conflits raciaux, inégalités sociales, raciales et liés aux logements; désorganisation sociale ou déficit de légitimité).

Les théories qui ont approché la problématique de la ségrégation sont groupées en deux grandes catégories: les théories écologistes et celles culturalistes.

Dans l’approche écologiste, la division de la population urbaine n’est pas fortuite, mais elle suit des règles strictes: les villes sont divisées en zones et secteurs précis du point de vue fonctionnel et du point de vue des caractéristiques socio-culturelles de la population qui y habite. L’étude du phénomène de ségrégation urbaine trouve ses racines dans la recherche sociologique menée par les sociologues de l’École de Chicago, vu que Chicago était touché, à ce moment-là, par les processus de dissolution territoriale.

À cause de la diversité humaine et de la discrimination raciale et ethnique, la ville de Chicago a généré beaucoup de formes dans l’évolution de l’espace urbain. Une de premières études sur le phénomène de la ségrégation urbaine et de ses conséquences est Residential Segregation in American Cities (1928) publiée par Ernest Burgess dans les Annales de l’Académie Américaine des Sciences Politiques et Sociales.

Selon les théories écologistes, la ségrégation est l’un des processus urbains les plus importants parce que la formation et la délimitation spatiale des zones et secteurs conduisent à la division de la population. En conséquence, la ségrégation est considérée comme un processus urbain naturel et en raison de la forte concentration de la population et de l’hétérogénéité des modes de vie ou des modèles culturels, leur division spatiale est inévitable (Park, 1925 apud Grafmayer, Joseph, 2004).

On remarque donc que tous ces facteurs façonnent un phénomène de plus en plus présent au sein de la structure urbaine contemporaine où la ville devient plus divisée et le passage d’une partie de la ville vers l’autre devient emblématique.

Contrairement à l’approche écologiste, la perspective culturelle ne considère pas la ségrégation comme un processus naturel, mais plutôt issu, maintenu et renforcé par la discrimination à travers ses stéréotypes négatifs. À cet égard, la ségrégation est tout simplement le processus par lequel la distance sociale entre les différents groupes devient un espace urbain.

La ségrégation maintient et renforce certaines attitudes et comportements de groupe. C’est pourquoi la ségrégation trace une «frontière» axiologique se transformant ensuite en une frontière topographique entre «eux» et «nous» soulignant la dimension symbolique, mais qui a, dans la plupart des cas, une projection topographique (Pásztor, Péter, 2007, pp. 531-532).

La ségrégation et son effet discriminatoire a pour effet les espaces habités exclusivement par des catégories de population défavorisés: les banlieues, les bidonvilles, les ghettos. Ces zones urbaines se composent de logements précaires, surpeuplés, dépourvues d’infrastructure ou de services (Humă, Chiriac, 2003, p. 2).

Les banlieues (slums) sont les zones (quartiers) de grandes villes, habitées surtout par la population pauvre. Le terme de slum est synonyme de: banlieue, bidonville ou quartier périphérique. Le terme de bidonville est le plus fréquent terme employé pour la traduction roumaine du mot slum. (Hall, 1999, pp. 412-459) La notion de slum, par rapport à la théorie de l’écologie urbaine, indique une «zone de transition» semblable aux ghettos. Là, la plupart des maisons sont dégradées parce que leurs propriétaires, des immigrés ou des minorités ethniques n’ont pas les moyens financiers de les entretenir. La population riche quitte cette zone et les logements sont transférés aux nouveaux arrivés, toujours pauvres, et avec le temps cette zone sera habitée exclusivement par la population pauvre.

En conséquence, les entreprises disparaissent, la qualité des services et la sécurité (éducation, santé) diminuent et le niveau de délinquance et de criminalité augumente. On peut donc caractériser les slums comme des zones où la pauvreté est accrue, les logements sont insalubres, l’hygiène et les soins de santé manquent (Pásztor, Péter, 2007, p. 533).



3. Ghetto and Ghettoisation

La littérature sociologique américaine attribue au concept de ghetto une connotation raciale, étant donné le fait que les études menées portaient sur la problématique des quartiers habités par les afro-américains. Ces quartiers se composent d’immigrants noirs du sud qui se sont déplacés vers les villes industrielles du nord, la migration du sud vers le nord étant engendrée par la politique de discrimination de la population blanche.

À travers les études ethnographiques (entamées entre 1988-1991) entre un ghetto de Chicago et le quartier Quatre-Mille (qui prend son nom d’après le nombre de logements sociaux) de Paris, L. Wacquant (1996) met en évidence les similitudes et les différences entre les deux types de zones urbaines pauvres.

L’auteur montre qu’indépendamment du critère racial, les conditions du ghetto américain, de la cité et des zones périphériques (banlieues) sont relativement similaires, mais la concentration spatiale, l’isolement social et la discrimination ethnique sont considérablement plus réduits. En même temps, les deux types de zone souffrent d’une image publique négative, étant associées à des immigrants, à la violence et à l’insécurité (Wacquant, 1996, apud, Stănculescu, Berevoescu, 2004, p. 34).

Cependant, Wacquant insiste sur les différences fondamentales entre le ghetto américain et les banlieues françaises. Bien que par certains aspects les banlieues françaises puissent progressivement ressembler davantage aux ghettos, elles diffèrent des premiers notamment et Wacquant conclut que la notion de ghetto ne peut pas être utilisée pour se référer à la situation de l’espace urbain français (Wacquant, 2005). La différence entre la «Ceinture Noire» (le ghetto américain) et la «Ceinture rouge» (les cités françaises) consiste en la nature du stigmate rattaché à leurs habitants. Les noirs des ghettos américains souffrent d’un stigmate conjugué: le stigmate se rattache à la fois à leur couleur de la peau et au territoire, et ils sont étiquetés comme inférieurs et sans valeur à cause de la population qui habite dans cette région.

Contrairement aux ghettos américains, les quartiers périphériques en France sont atteintes par le stigmate lié à la zone de résidence proprement-dite. Ces zones sont des entités territoriales constituées d’une population mixte du point de vue ethnique. La couleur de la peau n’est plus un élément définitoire pour l’identité ni un critère de division. L’absence des marqueurs culturels et des indices physiques visibles permet aux habitants de se dissimuler dans la foule de la grande ville et de vivre de temps en temps « l’illusion de l’intégration sociale » (Stănculescu, Berevoescu, 2004, p. 34).

Les études microsociologiques (Chelcea, 2001) réalisées sur l’espace urbain mettent en évidence une division sociale des individus par rapport au territoire, des phénomènes tels que la gentrification et la formation des ghettos émergent aussi sur le territoire de la Roumanie. Il y a des études qui se référent essentiellement à la formation des enclaves de la pauvreté au milieu urbain, appelées parfois des ghettos ou des slums.

Un ouvrage de référence pour notre recherche est Sărac lipit, caut altă viaţă, une étude complexe du point de vue du thème et de la méthodologie, coordonnée par Stănculescu et I. Berevoescu qui examinent le phénomène de pauvreté extrême dans 12 villes de la Roumanie, y compris la capitale. Dans ce contexte, les auteurs utilisent le concept de ghetto qui a pénétré dans la littérature de spécialité européenne suite à l’américanisation de la pauvreté dans les états européens (Stănculescu, Berevoescu, 2004, p. 31). Plus tard, les débats sur la nature, la dynamique et l’évolution des ghettos, tantôt aux États-Unis, tantôt en Europe, sont fondées sur les analyses du phénomène de pauvreté, de la population pauvre et leur distribution spatiale dans le territoire urbain.

En même temps, dans les études entamées, V. Mionel (2012) remarque le fait qu’en termes de perception, la zone géographique représentée par le ghetto est considérée par la plupart des gens comme une réalité physique et sociale différente, voire inférieure. Ces types d’espace urbain sont « de mauvaise réputation » et il donne comme exemple les quartiers de Bucarest Ferentari, Rahova sau Militari (p. 31).

Le processus de ghettoïsation est un processus extrêmement complexe et G. Pásztor et L. Péter le définissent comme le processus qui aboutit dans un espace physique et social fermé, marginal, souvent urbain, où des minorités ethniques, raciales, sociales mènent leur vie dans la pauvreté et restriction sociale (Pásztor, Péter, 2007, p. 279). D’habitude, la ghettoïsation suppose une composante ethnique définitoire et constitutive (cet élément distingue la ghettoïsation du processus de ségrégation ou d’appauvrissement, et de slam, le ghetto étant isole et ségrégué à la fois). W.L. Henderson et L.C Ledebur (apud Pásztor, Péter, 2007) établissent plusieurs étapes du processus de ghettoïsation de l’espace urbain ayant pour effet la pauvreté, la misère et l’exclusion.

La première étape: la discrimination sur le marché du travail. Les disparités physiques peuvent se transformer en significations culturelles et conjuguées avec le faible niveau de qualification des personnes se traduisent dans de faibles revenus. En conséquence, les personnes habitant ces zones se confrontent à la discrimination accrue et au taux de chômage élevé.

La deuxième étape: la dépréciation économique de la zone. À cause de la discrimination, les offres de travail diminuent et la structure interne de la population change ce qui entraîne une migration de la population vers une zone où il y a des possibilités matérielles.

La troisième étape: la discrimination sur le marché immobilier. Les pauvres « coincés » dans cette zone deviennent défavorisés au niveau des logements, parce que le manque de ressources financières les empêche de les consolider et réaménager, chose reflétée dans le prix bas sur le marché immobilier.

Parallèlement, sur le marché immobilier il y a des mécanismes discriminatoires (ethniques, sociales) qui empêchent les personnes riches d’avoir accès dans ces zones défavorisées.

La quatrième étape: la discrimination liée à l’accès aux services. Cette étape relève les difficultés des pauvres d’avoir accès aux services et à l’infrastructure.

Le manque de participation des autorités locales, la diminution des investissements dans des collèges, écoles maternelles, hôpitaux, activités de loisirs, se répercutent directement sur les enfants privés du moyen primordial de mobilité verticale, étant exposés à la pauvreté.

La cinquième étape: la dégradation de l’espace architectural. Aux immeubles dégradés et au manque des services de base s’ajoutent encore la criminalité et les violences qui essaient de contrebalancer les privations engendrées par le manque d’implication des autorités.

La sixième étape: l’isolement et l’auto-isolement. La population « coincée » dans la zone « ghettoïsée » devine marginalisée ce qui conduit à la formation d’une identité à part, fondée sur les expériences propres à la situation de marginalité.

Les habitants sont perçus par la population située en dehors du ghetto comme «différents» à cause des multiples stigmatisations qu’ils ont subies et qu’ils continuent de subir, et finalement les habitants du ghetto vont finir par les accepter face à l’impossibilité d’échapper à ce milieu (Henderson, Ledebur, 1972, apud Pásztor, Péter, 2007, p. 280).

Pour les habitants d’autres zones de la ville, le ghetto représente une réalité sociale et physique à part, habité par une population spécifique, parfois considérée comme inférieure aux autres. Ces types d’espaces urbains sont « de mauvaise réputation », voire dangereux. Les frontières du ghetto sont facilement repérables; la dynamique de la relation ghetto - milieu social et culturel laisse des traces visibles: ses frontières et limites sont marquées du point de vue physique et symbolique (Hannerz, 1983). Il convient de noter que ce modèle est surtout propre à l’espace urbain américain où les mécanismes du marché immobilier sont libres, l’état n’intervenant que rarement.

Théoriser les concepts d’espace et de ville, ainsi que les concepts connexes est une étape importante dans le contexte de cette recherche. Utiliser des concepts tels que l’espace social, l’espace urbain, le quartier, la périphérie est une réponse à la nécessité d’analyser les groupes sociaux par rapport à l’espace de vie, fréquenté par ces groupes sociaux qui sont en interaction directe avec l’espace physique. En ce sens, l’étude des «nous» et «eux» dans la formation des frontières sociales a fait l’objet d’un article publie en 2016 (Iosif, 2016, pp. 488-489).

Chaque manière de rendre compte de l’espace habité et le mode personnel d’intégrer ces actions, définissent des comportements et des rapports variés du point de vue social et spatial.

Dans le contexte de l’espace urbain, nous avons approché le phénomène de ségrégation, la ségrégation urbaine en particulier, ce qui aboutit à la formation des quartiers périphériques, des ghettos. Ces formes d’exclusion sociale sont de plus en plus présentes dans les villes de Roumanie et la tendance d’accentuer ces phénomènes est influencée par les difficultés financières et éducationnelles.


Bibliographie

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Park, R.E. (1926/2004). La ville comme laboratoire social/ The city as a social laboratory. Joseph, I., Grafmeyer, Y., L’ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine/ The Chicago School. The birth of urban ecology. Paris/Aubier: Editions du Champ Urbain, CRU.

Stănculescu, M., Berevoescu, I. (2004). Sărac lipit, caut altă viaţă/ Pauvre, cherche une autre vie. Bucharest: Nemira.

Wacquant, L. (2005). Les deux visages du ghetto. Construire un concept sociologique/The two faces of the ghetto. Building a sociological concept. Actes de la recherche en sciences sociales/Proceedings of social science research, no. 160, pp. 4-21.

1 Senior Lecturer, PhD, “Dunărea de Jos” University of Galați, Romania. Address: 47 Domnească Street, 800008 Galati, Romania, Tel.: +40.336.130.196, Fax: +40.372.361.290, Corresponding author: luminita.iosif@ugal.ro.

AUDC, Vol. 11, no 1/2017, pp. 160-167

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